1 juillet 2020

Siècle de guerres - Sein 1940

Groupe Tri Yann
Tri Yann

Nous avons célébré le 21 juin la fête de la musique. Aujourd'hui, nous célébrons les quatre-vingts ans de la création des Forces navales françaises libres par le Général de Gaulle . Dans cette ambiance festive, je vous propose de combiner ces deux événements à travers la musique de Tri Yann, Sein 1940 ; une musique qui retrace l'engagement des hommes de l'Île de Sein à l'appel du Général de Gaulle durant l'été 1940.

Alan Stivell a lancé en 1966 un mouvement de modernisation et de promotion de la musique bretonne. Dans son sillage, Jean-Louis Jossic, Jean Chocun et Jean-Paul Corbineau ont fondé le groupe Tri Yann an Noaned (Les Trois Jean de Nantes) en 1969. Pour la petite anecdote, ce nom de groupe qu'ils ont gardé vient d'un surnom que leur donna un de leurs premiers fans.

Le groupe est encore actif aujourd'hui, détenant le record de longévité pour un groupe français avec cinquante-et-un ans de scène. Mais cette année, Tri Yann termine sa tournée d'adieu, le Kenavo Tour, avant d'arrêter de se produire sur scène (sans pour autant arrêter leurs activités).

Dans leur répertoire breton, la mer est un élément incontournable. C'est pour ça qu'en 2003 pour leur treizième album, ils ont sorti une diptyque sur la mer et les marins de douze titres nommée Marines. Une seconde parution en 2004 contiendra un treizième titre enregistré avec la chanteuse Anggun, La mer est sans fin, version française de Divent an dour. Dans cet album, nous retrouvons également la chanson Sein 1940. Mais assez parlé, place à la musique !


Cette musique revient sur l'engagement de ces hommes de l'Île de Sein partis rejoindre le Général de Gaulle en Angleterre en 1940. Ces hommes prêts à mourir se sont battus pour la France, pour leur île, pour la liberté (frankiz en breton).

Sur cette petite île bretonne de cinquante-quatre hectares et mille quatre cents habitants (en septembre 1939), la majorité des hommes valides de l'île furent mobilisés pour la guerre tandis qu'une garnison d'une vingtaine de militaires français s'installait sur l'île.

Les communications radios étaient difficiles sur l'île qui ne possédait pas l'électricité et les journaux ne pouvaient pas être livrés par bateaux. Les Sénans recevaient les informations uniquement par les bateaux qui accostaient ou par les rares postes de TSF qui se trouvaient sur l'île. Les Sénans apprirent ainsi la prise de Rennes et l'évacuation de Brest (le 16 juin) par la radio quelques jours après les événements.

Le même jour, le 19 juin, le bateau l'Ar Zénith qui assurait deux fois par semaine le transport de passagers, de marchandises et du courrier entre la terre ferme et l'Île de Sein, faisait escale sur l'île. Il transportait à son bord une centaine de Chasseurs Alpins, des jeunes gens et du matériel militaire et partait pour l'Angleterre. Quatre Sénans embarquèrent sur le bateau et rejoignirent l'équipage. Ils furent les premiers à rejoindre les Forces françaises libres ouvrant la voie aux autres Sénans.

Ar Zénith à Saint-Servan / @dAdE
Ar Zénith, aujourd'hui à la gendarmerie maritime
de Saint-Servan - @dAdE

Le 21 juin 1940, la garnison de Sein fut rappelée à terre. Le lendemain, un gardien de phare prévint les Sénans que la BBC rediffusait le message d'un général français. Les habitants l'écoutèrent à la radio d'un hôtel et apprirent que la résistance s'organisait en Angleterre. Chacun rentra le soir chez lui impressionné alors que les avions allemands bombardaient des cargos au large.

Le 24 juin, le maire faisait afficher un avis qui ordonnait aux militaires de se rendre aux autorités allemandes. Le lendemain, un bateau de l'île se rend sur le continent où une affiche annonçait que tous les hommes de dix-huit à soixante ans devaient se tenir à la disposition des troupes d'occupation.

Dès le 24 juin, réagissant à la menace allemande, les propriétaires des bateaux Velléda et Rouanez-ar-Mor décidèrent d'armer leurs navires. A vingt-et-une heures, les deux navires étaient pleins, chargés d'hommes en âge de combattre. Le 26 juin, deux nouveaux bateaux, le Rouanez-ar-Péoc'h et le Maris Stella, partirent à leur tour. Le Corbeau des mers les suivit de peu avec ses passagers.

Le maire et le recteur organisaient ces départs pour empêcher ceux de moins de quinze ans de partir. En quelques jours, ce furent cent vingt-quatre Sénans, écartés de la mobilisation en raison de leur âge ou de leur charge familiale, de quatorze à cinquante-quatre ans qui quittaient l'île (soit presque tous les hommes restants en âge de se battre sur l'île).

De Gaulle et les marins de Sein
De Gaulle accueillant les marins de Sein

Devant le Général de Gaulle au début du mois de juillet, un peu plus de quatre cents hommes volontaires étaient rassemblés à l'Empire Hall de Londres.  Demandant à chacun leur origine, il fut surpris de constater qu'un quart d'entre eux venait de l'Île de Sein et il se serait exclamé "L'Île de Sein, c'est donc le quart de la France !".

Les Sénans furent répartis selon leur âge et leurs spécialités. La plupart rejoignirent les Forces navales françaises libres servant dans un premier temps sur le Courbet. Les plus âgés furent assignés au Service des Pêches de Penzance ou dans la marine marchande ravitaillant l'Angleterre.

Sur l'île, que devint la vie ? L'armée allemande y avait installé une garnison et avait placé dans l'île des mines et des barbelés. Les habitants restants ne pouvaient plus se déplacer librement ; une sévère réglementation de circulation était appliqué dans l'île et sur mer.

Par ailleurs, la majorité des hommes valides étant parti, les revenus de la pêche en pâtirent grandement. Les habitants de l'île étaient soumis à des conditions matérielles très difficiles ; mais paradoxalement, si la malnutrition s'installait, la solidarité se renforçait entre les Sénans. Le recteur organisait par exemple une cantine pour les garçons dont les pères étaient partis en Angleterre.

La tradition de sauvetage en mer des Sénans continuait malgré la situation. Le 1er mai 1943, un bombardier américain fut abattu et s'écrasa en mer. Les trois membres d'équipage survivants furent sauvés par les pêcheurs bretons et ramenés sur l'île où un avion de reconnaissance allemand se posa plus tard pour venir porter secours à l'un des blessés jugé intransportable.

De Gaulle à Sein - @DR
De Gaulle rendant hommage à l'Île de Sein - @DR

Le 4 août 1944, après avoir fait sauter le phare de l'île, la garnison allemande de l'île de Séan évacua devant l'avancée des Alliés. L'île était enfin libre, les allemands ne reviendront plus. Le 1er janvier 1946, le général de Gaulle vint en personne sur l'île attribuer la Croix de la Libération à l'Île de Sein. Il déclara à cette occasion : "Il y aura toujours, maintenant, en France des gens qui penseront à l'Île de Sein. La France entière saura qu'il y avait sur l'océan une bonne et courageuse île bretonne dont l'exemple magnifique deviendra légendaire et les enfants apprendront dans leurs livres d'histoire l'action d'une bonne et courageuse île française."

L'île reçut également la Croix de Guerre et la Médaille de la Résistance pour ses hauts faits durant la seconde guerre mondiale. Et même si l'île n'a pas eu malheureusement sa place dans les livres d'histoires, un monument aux Forces françaises libres sur l'île garde trace de son implication. De Gaulle vint l'inaugurer le 7 septembre 1960. Nous pouvons lire sur le monument la devise bretonne "Kentoc'h Mervel" ("Plutôt mourir !"). Ce fut le cas pour vingt-deux Sénans qui ne revirent pas leur ville de Saint-Guénolé, morts pour libérer leur île et la France.

Monument de l'Île de Sein / Jérôme Groisard
@Jérôme Groisard

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