18 février 2019

Cap sur Saint-Malo avec Vick & Vicky - La mer pour racines

par Les éditions P'tits Louis

Bonjour à tous et à toutes ! Aujourd'hui, nous allons parler BD. Si je vous dis Tintin ou Club des cinq, vous n'êtes pas perdus ? Vous aimez ? Alors, mélangez-les pour obtenir Les aventures de Vick et Vicky ! Plongez au sein d'énigmes fantastiques dans des lieux familiers, mêlez apprentissage et distraction par ces aventures. A chaque album, retrouvez à la fin des planches pédagogiques mêlant l'utile à l'agréable. L'aventure du jour se déroule à Saint-Malo, la cité corsaire bretonne, lors d'un événement bien spécial : la Route du Rhum. L'été dernier eut lieu la dixième édition de cette régate, revenons ensemble sur ces quarante ans de voile, suivons les guides et cap sur Saint-Malo !

Comme vous en avez l'habitude maintenant sur d'Air & d'Encre, présentons d'abord l'oeuvre et son auteur. Bruno Bertin, le papa de Vick et Vicky, est né à Fougères qui restera à tout jamais sa ville de coeur, C'est notamment le château de Fougères qui fut pour lui le déclic du neuvième art.

par Editions P'tit Louis

Dans la BD de 1946 Le trésor du Baron Goudman, le dessinateur Marc Ratal représente dans une de ses vignettes l'entrée du château. Voir cette représentation illustrée, mais réaliste, fut un des déclics emplis d'émotions de Bruno Bertin qui le guida sur la voie du dessin. Il produit alors sa première BD à 26 ans lançant sa carrière de dessinateur. Cette première BD dans une aventure style club des cinq fait découvrir ou redécouvrir la ville de Fougères à ses habitants comme ceux ne la connaissant pas.

Quelques années plus tard, en 1994 quand Bruno Bertin, leur papa, demanda à Jean Rolland de réaliser une aventure dans le même style que Tintin ou Le club des cinq, deux sagas qu'il adore, avec un jeune garçon et son chien. Une courte bande dessinée en noir et blanc, Les neufs oranges, voit le jour. Elle ne sera cependant jamais publiée officiellement ; on la retrouve cependant dans le hors série spécial pour les 20 ans de la saga Vick et Vicky.

Le premier tome de leurs aventures se déroula au final aux Chevrets, près de la cité corsaire, et également à Saint-Malo. Ce tome sera publié en 1995 et lancera sur des débuts encourageants. Mais la saga prend vraiment son envol au troisième tome : Les Disparus de l'île aux Moines en 1997.

Peu à peu la saga trouva sa structure que nous connaissons aujourd'hui : une enquête surnaturelle ou étrange qui permet d'explorer un lieu bien connu avant d'avoir des complément dans un dossier pédagogique à la fin de l'album.

Bien des années plus tard, nos héros retournent aux sources au camping des chevrets pour... Je vous laisse découvrir cela dans l'album. Pour cette vingt-troisième aventure, Bruno Bertin a travaillé en binôme avec Jean-Charles Gaudin, son ami et scénariste de bandes dessinées. C'est un retour aux sources pour Bruno Bertin qui ravive sa flamme. Pour moi, ce sera l'occasion de vous éclairer sur la relation de Saint-Malo à la mer.

Couverture du tome 23

Sur la couverture de ce dernier tome, nous voyons nos héros à bord du bateau L'Etoile du Roy. Ce trois-mâts amarré bassin Duguay-Trouin est une réplique proche d'une frégate du XVIIIe siècle, le HMS Blandford. Seulement, ce navire a été construit en 1996 en Turquie. Initialement, ce navire s'appelait le Grand Turk en hommage à son constructeur britannique Michael Turk. Coïncidence ou non, le nom fait aussi référence dans un ouvrage anglais d'histoire maritime à un navire capturé le 1er mai 1745 et dans les registres de l'Amirauté de Saint-Malo à un navire corsaire de 260 tonneaux capturé en 1746. Le nom changea en 2010 pour l'Etoile du Roy lorsque Bob Escoffer l'acquis pour son entreprise Etoile Maritime Croisières.

Ce navire fut utilisé comme décors pour la série télévisée britannique Homblower, série basée sur les romans de C.S. Forester, portant sur le personnage fictif Horation Homblower, officier de la Royal Navy durant la Révolution française et les guerres napoléoniennes. Au côté de l'Etoile du Roy naviguait dans cette série un autre navire dont le port d'attache est Saint-Malo : L'Etoile de France.

L'Etoile de France est une goélette à hunier construite en 1938 pour être un cargo pour la mer Baltique. Tout d'abord sous pavillons danois, Mickael Turk en devient le propriétaire dans les années 90 et s'en sert comme je vous le disais pour la série Howblower. En 2007, Bob Escoffer la rachète et elle rejoint la flotte d'Etoile Marine Croisières.

D'autres voiliers fameux français ont leur port d'attache à Saint-Malo. Nous pouvons citer Le Renard ou l'Etoile de Molène. En soi, Saint-Malo a toujours eu un rapport privilégié avec la mer. Nous pourrions citer par exemple les Terre-Neuvas. Pendant près de cinq siècles du XVIe siècle jusqu'à l'arrêt en 1951 du dernier Terre-Neuvas, les pêcheurs français partaient chaque année sur les bancs de l'île de Terre-Neuve au large du Canada pêcher la morue. Saint-Malo était alors un important port de terre-neuviers.

Archive municipale par SMBMSM

Ce n'était pas un métier sans risque. Des hommes mourraient à bord du navire. Or, la loi interdisait qu'un corps séjourne plus de vingt-quatre heures à bord après le décès. Le capitaine récitait une prière au cours d'une cérémonie sur le pont avant avant que le corps soit basculé par-dessus bord. Les femmes ne revoyaient jamais le corps de leur mari. Mais une légende raconte qu'elles venaient, vêtues de noir, guetter en vain le retour de leur mari depuis la longue digue située à l'entrée du port de Saint-Malin. On surnomme ainsi cette digue : la môle des Noires.

Nous parlons de morts, mais parlons des vivants, car les Terre-Neuvas continuent de partager leurs souvenirs et anecdotes sur la pêche à la morue au sein du musée des Terre-Neuvas de Saint-Malo où ils ont reconstitué des scènes sur les terre-neuviers. Pour avoir visité ce musée, je vous encourage à prendre une heure pour le découvrir, car il est certes petit, mais tellement instructif. C'est enrichissant d'entendre de vive voix ces histoires. Ce n'est malheureusement pas des corsaires dont nous pourrions avoir un témoignage aujourd'hui.

En effet, c'était au XVIIe siècle que de nombreuses familles bretonnes étaient corsaires ou armateur de père en fils. La France était alors en conflit régulier avec de nombreuses nations maritimes dont l'Angleterre. Parmi ces corsaires malouins, certains ont eu une grande renommée. Nous retrouvons des statues à leur effigie en se baladant en ville :
- René Duguay-Trouin : Né en 1673 à Saint-Malo, il devient capitaine de la marine royale à 19 ans et commande deux ans plus tard un 40-canons. Pour ses faits d'armes (capture de trois cents navires marchands et de seize navires de guerre), Louis XV le consacra lieutenant général des armées navales.
- Robert Surcouf : Né un siècle après Duguay-Trouin, il pratiqua la guerre de course contre le commerce anglais. Son plus haut fait d'oeuvre est la prise du puissant navire Kent, navire de 1200 tonnes de la compagnie des Indes. Il devient alors l'un des plus riches et puissants armateurs malouins, surnommé Saint-Malo.

Statue de Surcouf par SMBLMSM

Les corsaires se sentaient à l'étroit dans l'intra-muros de Saint-Malo. Ils ont choisi de construire de vastes habitations dans la campagne proche des ports malouins. Ces maisons à l'architecture symétrique, aux boiseries sculptés et aux jardins à la française sont connus sous le nom de Malouinières. La plupart de ces belles demeures ont été construites entre 1650 et 1730 dans le Clos-Poulet, l'arrière-pays de Saint-Malo.

D'autres comme Auguste Magon de La Lande, corsère contemporain de Dugyay-Trouin préféraient eux des hôtels particuliers. Magon fit construire un hôtel particulier de 59 pièces avec un magnifique escalier à rampe en fer forgé. Cet hôtel lui permettait de surveiller depuis la terrasse de surveiller les mouvements portuaires, aujourd'hui cet hôtel est surtout un bijou de l'architecture des maisons corsaires malouines.

De nos jours, de nouveaux navigateurs prennent le large. Mais vous pourriez croiser à leur retour à leur port d'attache Gilles Lamiré, coureur sur trimaran, ou Thibault Vauchel-Camus, skipper sur catamaran. Saint-Malo a aussi été le berceau de grands noms de la navigation française : la famille Escoffier ou Victorien Errusard et Jérome Delafosse, les leaders de l'expédition Energy Observer. Mais avant tout, Saint-Malo est le point de départ de la célèbre course La Route du Rhum.

Pierre 1er par Super-Furet

La Route du Rhum est une des courses sportives et maritimes les plus populaires faisant rêver petits et grands tous les quatre ans. Michel Etevenon a conçu en 1978 une course qui fait depuis toujours la part belle à la diversité. Monocoques et multicoques, petits coursiers océaniques et géants des mers, cette transatlantique les rassemble tous sur la même ligne de départ pour le même parcours. Son histoire remonte au printemps 1975 quand Bernard Hass, secrétaire général de l'époque du Syndicat des producteurs de sucre du rhum des Antilles, et Florent de Kersauson ont l'idée de lancer une course à la voile allant vers les Antilles pour relance la filière du Rhum.

Ils vont alors voir Eric Tabarly et Gérard Petipas, président de la société Pen Duick (organisatrice de courses océanique). Le premier s'avéra intéressé par une course en solo, mais le second refusa, car il organisait alors La Transat en double (courses aujourd'hui abandonnée).
Bernard Hass et Florent de Kersauson décide du coup d'aller voir le sponsor du frère de ce dernier : Michel Etevenon. Seulement, à ce moment-là, Olivier de Kersauson s'apprête à participer à la course autour du monde 1975 - 1976 Financial Times Clipper Race. Michel Etevenon refuse alors.

Malgré tous ces refus, le président de la branche guadeloupéenne du Syndicat, Pierre-Louis de la Rochefoucauld, est lui très enthousiaste. Pour motiver les coureurs, les Guadeloupéens offrent cinq cents mille francs de l'époque pour récompenser les six premiers.

Si la prime est alors trouvée, le lieux de départ de la course a lui aussi suscité un débat. Le journaliste Christian Février résumait bien cela : "Le choix du lieu de départ fait débat. Les rhumiers penchent pour Bordeaux, port emblématique de l'importation du sucre et du rhum. Florent [de Kersauson] se bat pour Saint-Malo." Le débat se clôt lorsque Florent de Kersauson rentre entre au comité de l'UNCL où il est chargé des courses océaniques et se charge d'obtenir toutes les autorisations nécessaires. Ainsi à trois ans de la première édition, l'essentiel de la course est prêt.

Baie de la Saint-Malo lors de l'édition 2018 par dAdE

Un événement dans les courses de voile anglaise va offrir une opportunité à la Route du Rhum. En effet, en décembre 1976, les Anglais décident de limiter la taille des bateaux à 17,06 mètres pour leurs courses. En réponse à cette limitation, Michel Etevenon annonce créer une grande course française sans limitation de taille. Ne trouvant pas de sponsor pour sa course pendant l'hiver, il commence à croire au projet de Bernard Haas et Florent de Kerkauson : projet avec un réglement de course, la coution technique de l'UNCL, l'aval de plusieurs ministères (ministères des sports, de la Défense pour la Marine, des DOM-TOM et de l'Intérieur) dont il ne manquait que l'autorisation du ministère des Transports.

Michel Etevenon fonde le 14 mars 1978 avec six autres associés, exploitants de sucreries et de distilleries, afin d'organiser une course transatlantique en solitaire prévue tous les quatre ans et nommée Route du Rhum. Promovoile organisera cet événement dès la première course, tandis que Flort de Kerkauson était le secrétaire général de la course.

A chaque édition, la Route du Rhum rallie Saint-Malo à Point-à-Pitre par une route d'une distance d'environ 3510 miles. La ligne de départ se situe devant la pointe du Grouin, à Cancale. Au cours de la course, il est demandé aux skippers de laisser à tribord une marque de parcours devant le cap Fréhel pour permettre aux spectateurs d'admirer le départ. Pour les mêmes raisons, les skippers doivent laisser la Guadeloupe à bâbord avant de franchir la ligne d'arrivée.

Le 5 novembre 1978, trente-six skippers prenaient la route. Quarante-ans plus tard, le 4 novembre 2018, ils étaient cent skippers solitaires, amateurs et professionnels sur six catégories de monocoques et multicoques, à s'élancer pour la Guadeloupe. Chacune de ces dix éditions fut le moment pour les skippeurs de marquer leur nom dans l'Histoire de la course. Peut-être que vous pourrez vous aussi dans quatre ans voir les prochains skippers marquer cette histoire comme Vick et Vicky ont pu le faire dans leur dernier tome.

Et voilà, l'article touche à sa fin, mais avant de vous laisser, je tenais à vous prévenir que les éditions P'tit Louis propose pour découvrir ses oeuvres en téléchargement gratuit deux albums de Vick et Vicky ainsi que les fiches pédagogiques de certains albums. (Merci à eux, pour le coup c'est vraiment agréable comme démarche.)

Nous reviendrons à Saint-Malo pour découvrir d'autres aspects de la ville dans un prochain article. Sur ce, je vous dis bonne lecture pendant que je prends le large (pour grignoter à force de voir tous ces voiliers gourmands). En avant l'aventure et à bientôt !

Pour ceux qui ne croyait pas qu'un bateau donnait faim...
par dAdE

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